
Carolle Bénitah
L’armoire destinée à conserver les attributs du bonheur conjugal, est capitonnée de velours rouge, tel un cercueil symbolisant la mort du désir, et renferme de nombreuses bobines de perles rouges. Cette accumulation (autant de bobines que de jours dans une année) est la métaphore d’une vie maritale source d’attente et d’insatisfaction. L’allusion à l’expression « enfiler des perles » illustre l’activité ennuyeuse auquel se livre l’épouse esseulée.
Le dos de l’armoire, recouvert de plusieurs papiers peints, représente les traces laissées par les anciens habitants, comme une évocation du temps qui passe. Deux images y sont accrochées. La première est une photographie de mariage où la famille réunie pose après l’union des mariés. La deuxième image est le produit de 24 reproductions de la première photo et présente des altérations qui modifient la lecture de l’image à la rendre méconnaissable.
La série « Le plus beau jour » dit l’impossibilité de reproduire un moment heureux, comme ce souvenir stéréotypé du jour le plus heureux d’une vie.
Au pied de l’armoire se trouve une maison sans porte ni fenêtre. La fragilité de la maison est évoquée par l’absence de fondation. De son toit s’échappe une branche d’olivier recouverte de fil rouge. La branche d’olivier qui s'échappe de la maison fait écho à un souvenir d’enfance terrifiant sublimé par la délicatesse du fil rouge qui recouvre la branche. L’artiste se souvient qu’enfant sa mère lui disait que si elle avalait un noyau d’olive, un olivier sortirait de sa bouche au petit matin. La branche d’olivier qui parvient cependant à s’échapper apparait comme une tentative de s’ouvrir au monde, de sortir de soi-même.
Comme l’armoire aux bobines de perles, l’abondante table de gâteaux sous cloches est une illustration de l’invitation au désir. Ils expriment tout à la fois un désir et sa défense. L’ambivalence du « mange-moi » injonction écrite sur les assiettes sur lesquelles reposent les gâteaux exprime un désir et l’impossibilité d’y accéder par les cloches qui protègent les gâteaux. On peut souligner l’ambiguïté du dispositif: les gâteaux sont exposés au regard par la transparence des cloches et en même temps inaccessibles car protégés sous une cloche de verre dont la protection avec le monde extérieur est en fait toute relative. L’enveloppe protectrice des cloches contraste avec la transparence et la fragilité du verre censé protéger ce qu’il contient de précieux, de petits gâteaux au blanc virginal mais néanmoins tachés de rouge-sang.
Déborah Checkroun